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Accéder au siteLes rivières des Alpes-de-Haute-Provence et leur biodiversité souffrent de la sécheresse, ce n’est un secret pour personne. Depuis l’hiver dernier nous savions que notre département était en situation de déficit pluviométrique et dès le mois de mai, la Préfecture des Alpes-de-Haute-Provence a activé le Plan Action Sécheresse (PAS) destiné à alerter les usagers (Particuliers, Agriculteurs, Collectivités) sur la nécessité d’économiser l’eau et d’avoir une gestion solidaire et respectueuse des milieux aquatiques en limitant ou interdisant les prélèvements qui porteraient atteintes à nos rivières bas alpines.
Les pêcheurs étaient particulièrement inquiets car, même lors d’une année normale, les cours d’eau méditerranéens, de part leur morphologie (Lit en tresse) et de par leur régime hydraulique (Manque d’eau hivernal et estival) sont plus sensibles à la sécheresse que les autres cours d’eau. Des espèces de poissons à forte valeur patrimoniale peuplent ses rivières vulnérables de notre département. La truite fario est la plus connue mais on peut également citer le chabot, le blageon, le barbeau méridional ou encore l’apron, espèce menacée d’extinction. Ce patrimoine est menacé par le changement climatique et il convient de le protéger si nous voulons le transmettre aux générations futures.
Comment se décline le Plan d’Action Sècheresse des Alpes-de-Haute-Provence ? Rappelons que la loi française prévoit que les prélèvements en eau dans les rivières sont autorisés à partir du moment où on laisse une partie de l’eau à la rivière permettant d’assurer la survie des animaux qui la peuplent : c’est le débit minimum biologique. Ce débit à maintenir dans les cours d’eau est de 10 % du débit moyen annuel. C’est la règle pour tous les cours d’eau français … règle qui comporte des exceptions réglementaires malheureusement. En dessous de ce débit, il est strictement interdit de prélever de l’eau, du moins en théorie.
Le Plan d’Action Sécheresse prévoit une surveillance accrue sur des cours d’eau situés en zone d’étiage sensible, c’est-à-dire ceux dont le débit estival laisse craindre de graves déficits en eau voire des assecs. Dans les Alpes de Haute Provence, ce sont 8 rivières classées en zone d’étiage sensible : l’Asse, la Bléone, le Colostre, le Jabron, le Largue, le Lauzon, le Sasse et le Vançon.
Quand ces cours d’eau ont un débit avoisinant 10 % du débit moyen annuel, la préfecture déclenche le stade de vigilance qui se traduit par une information au public.
Quand il reste entre 5 et 10 % du débit moyen, la préfecture déclenche successivement le stade d’alerte puis si la situation s’aggrave, le stade d’alerte renforcée. Ces deux stades imposent une réduction des volumes d’eau prélevés respectivement de 20 et 30 % (agriculture, collectivités, particuliers et industrie) et une interdiction d’arroser entre 11h et 18h (stade d’alerte) ou entre 8h et 20h (stade d’alerte renforcée).
Enfin quand le débit est égal ou inférieur à 5 % du débit moyen annuel, le stade de crise est déclenché induisant une interdiction stricte de prélever de l’eau sauf pour l’alimentation en eau potable.
L’activation des différents stades se fait par arrêté préfectoral affiché en mairie. Le stade de crise (le plus grave et le plus limitant pour l’utilisation de l’eau de la rivière) vise à assurer l’alimentation en eau potable (santé publique) ainsi que la survie des espèces aquatiques car biodiversité et santé humaine marchent ensemble. La vie des espèces aquatique est un indicateur de la qualité des eaux potables, voilà pourquoi il est important d’avoir des cours d’eau en bonne santé.
La spécificité des cours d’eau méditerranéens fait que sur deux cours d’eau, (Jabron, Lauzon) dès le stade d’alerte renforcée, la survie des espèces n’est plus assurée et le débit de ces cours d’eau est déjà inférieur au 1/20ème du module. On constate alors des mortalités de poissons et des mises à sec du lit des rivières avant que le stade de crise ne soit atteint.
Sur les 6 autres bassins versants (Asse, Bléone, Colostre, Sasse, Largue et Vançon.) ce même stade d’alerte renforcé (Moins 30% de prélèvements) correspond déjà à une valeur de débit inférieure au minimum légal et donc à des valeurs critiques pour la survie des espèces.
Or, depuis juillet dernier, une étape de plus a été franchie puisque nous avons désormais basculé en situation de crise, situation qui sera maintenue jusqu’au 15 octobre s’il ne pleut pas.
Aux derniers jaugeages effectués sur l’Asse, le Colostre et le Largue, la situation est devenue catastrophique pour les milieux aquatiques du département.
FD04 Le largue en période estivale.
Dans l’Asse, le débit de crise est fixé à 230 litres secondes. A la clue de Chabrière, début août, le débit était de seulement 233 litres mais en aval, à hauteur de La Julienne, il n’était plus que de… 29 litres avant de disparaître totalement et de changer le lit de l’Asse en désert de galets jusqu’à la Durance ! Les pêcheurs sont des usagers de la rivière mais ils sont également là pour protéger les milieux aquatiques, c’est-à-dire toutes les espèces, même celles qui ne se pêchent pas. Rappelons que l’Asse fait l’objet d’un arrêté de biotope car ses eaux abritent un poisson en voie d’extinction, l’Apron. Entre Chabrière et La Julienne, désormais, même en situation d’alerte sécheresse, des agriculteurs arrosent les sauges en juin et les lavandes en juillet… c’est la nouvelle mode! C’est gratuit, pourquoi s’en priver ?
Pour ce qui est du Colostre, en amont de Riez, ce cours d’eau est totalement sec depuis sa source jusqu’au village, soit sur plus de 15 kilomètres. Il retrouve un peu de débit juste en amont de la station d’épuration de Riez … on en viendrait presque à se satisfaire des flux provenant de cette station d’épuration ainsi que celles d’Allemagne et de Saint-Martin-de-Brômes … Il y a de quoi être inquiet pour les truites (Les pêcheurs de ce cours d’eau savent que les populations de truites ont été divisées par 5 en quelques années) mais également pour la santé publique des villages situés en aval (les stations d’épuration ne traitent pas les résidus médicamenteux). On en reparlera sans doute dans 10 ou 20 ans…
Sur le Largue la situation n’est pas meilleure car à Lincel le débit n’est plus que de 10 litres par seconde alors qu’à Notre Dame de la Roche il est de 58 litres. (Débit de crise à 50 litres). Il devient complètement sec sur sa partie aval.
C’est ainsi que la Fédération de pêche, alertée par les riverains et les touristes, se voit dans l’obligation de réaliser des pêches de sauvetage pour sauver les poissons qui se regroupent dans des flaques des rivières asséchées. Les personnes qui assistent à ce spectacle sont toujours écœurées de voir dans quel état nous laissons volontairement nos rivières.
Plutôt que des marques de reconnaissance du grand public, les pêcheurs préfèreraient que les écoulements de leurs rivières soient assurés comme la loi le prévoit.
FD04 Sauvetage piscicole dans une flaque sur le Jabron.
Rien, sinon demander à Monsieur le Préfet de Alpes-de-Haute-Provence de faire appliquer la Loi et de tenir compte de l’intérêt général (L’eau, « Patrimoine commun de la nation ») et de ne pas toujours privilégier les intérêts agricoles. Dans les rivières des Alpes-de-Haute-Provence en situation de crise, la biodiversité régresse et des poissons crèvent à chaque fois qu’un agriculteur arrose en douce ou bien qu’une station d’épuration dont les effluents ne sont pas assez dilués dysfonctionne.
Le changement climatique n’est pas une vue de l’esprit. Nous devons changer nos pratiques afin que le patrimoine aquatique et la biodiversité fragile de notre territoire –qui sont une partie de son attractivité touristique et de la qualité de vie qui est offerte aux habitants- ne soient pas sacrifiés sur l’autel à court terme des « usages ».
Les agriculteurs sont des personnes proches de la nature, souvent des chasseurs, nous ne comprenons pas qu’ils ne se sentent pas concernés par les préoccupations des pêcheurs. On doit les aider à faire évoluer leurs pratiques vers des cultures moins gourmandes en eau… et non pas accorder des dérogations à ceux qui arrosent des cultures qui jadis ne l’étaient pas !
Comment voulez-vous demander aux particuliers d’économiser l’eau et de ne plus arroser leur pelouse alors qu’ils voient à 15 heures des canons d’arrosage envoyer des mètres cubes d’eau en plein soleil !
Une truite n’est pas qu’une truite. La santé des rivières c’est aussi la santé des hommes.
Le Plan d’Action Sècheresse a le mérite d’exister mais depuis que le stade de crise a été activé dans notre département, le monde agricole a déposé 37 demandes de dérogation aux interdictions d’arrosage… et Monsieur le Préfet en a accordé 36.
Sans commentaire.
La Fédération de Pêche 04